Misère des provinces

Posted by Guillaume Nicoulaud  
Misère des provinces

(Février 1739, jusqu'à fin de 1740.)

Le mal véritable, celui qui mine ce royaume et ne peut manquer d'entraîner sa ruine, c'est que l'on s'aveugle trop à Paris sur le dépérissement de nos provinces. Ce qui en circule est traité d'exagération, et personne que je sache ne s'est encore avisé d'en rechercher l'origine. J'ai vu, depuis que j'existe, la gradation décroissante de la richesse et de la peuplade en France, et tous les observateurs de bonne foi conviennent avec moi que la dépréciation subite des monnoies, opérée sous M. le Duc [1], en a produit les premiers symptômes.

Mais il y a loin de ce qui étoit alors à ce qu'on voit aujourd'hui. On a présentement la certitude que la misère est parvenue à un degré inoui. Au moment où j'écris, en pleine paix, avec les apparences d'une récolte sinon abondante du moins passable, les hommes meurent autour de nous, dru comme mouches, de pauvreté, et broutant l'herbe. Les provinces du Maine, Angoumois, Touraine, Haut Poitou, Périgord, Orléanois, Berry, sont les plus maltraitées ; cela gagne les environs de Versailles. On commence à le reconnoître, quoique l'impression n'en soit que momentanée.

Il y a longtemps que je m'aperçois du danger qui nous menace, et c'est peut-être moi qui donnai le premier l'éveil, au retour d'un voyage que je fis dans mes terres, il y a bientôt deux ans. J'ai dit et je pense encore que cet état ne tient point à des circonstances passagères, et que, si une mauvaise année a pur rendre le mal plus sensible, les racines en sont plus avant qu'on ne croit. J'ai proposé ailleurs des moyens de rendre l'activité à nos campagnes, de les soustraire à la tyrannie [...]

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