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Le pain de fougère ![]() 19 mai 1739. - La Normandie, cet excellent pays, succombe sous le poids des impôts et sous les vexations des traitans ; les fermiers sont ruinés, et l'on n'en peut trouver. Je sais des personnes qui sont réduites à faire valoir des terres excellentes par des valets. Le duc d'Orléans [1] porta dernièrement au conseil un morceau de pain de fougère [2]. À l'ouverture de la séance, il le posa sur la table du roi, disant : Sire, voilà de quoi vos sujets se nourrissent. Cependant M. Orry [3] vante l'aisance où se trouve le royaume, la régularité des payemens, l'abondance de l'argent dans Paris, et qui assure, selon lui, le crédit royal. Il se complaît dans l'amour que lui portent les financiers ; il est vrai que plus il y a de pauvres, plus ces gens-là deviennent riches. Ils sont reçus, accrédités partout, et ne contribuent en rien aux charges publiques. L'évêque de Chartres a tenu des discours singulièrement hardis au lever du roi et au dîner de la reine. Le roi l'ayant interrogé sur l'état de son diocèse, il a répondu que la famine et la mortalité y régnoient ; que les hommes y broutoient de l'herbe comme des moutons ; que bientôt on alloit voir la peste, ce qui seroit pour tout le monde (y compris la cour, vouloit-il dire). La reine lui ayant offert cent louis pour les pauvres, le bon évêque a répondu : « Madame, gardez votre argent ; quand les finances du roi et les miennes seront épuisées, alors V. M. assistera mes pauvres diocésains, s'il lui reste quelque chose. » On répond à tous ces récits que la saison est belle, que la récolte donnera aux pauvres. Les blés sont-ils à eux ? [...] http://ordrespontane.tumblr.com/post/99386484396/le-pain-de-fougere |